Les Fans et leurs séries

Le fan, un être bizarre ?

Souvent, lorsque qu’on vous parle de sitcoms, c’est avec un certain ton ironique  : « Ah ! Tu es Fan de sitcom, toi ? C’est quoi déjà, le truc donc tu nous rebats les oreilles ? “Friends” ? (prononcez ici “friandse”) C’est débile... C’est américain ? Ça ne m’étonne pas ! » Ou encore : « Tu es vraiment Fan ? Et qu’est-ce que vous faites au Fan Club ? Vous vous déguisez comme les acteurs, vous parlez comme eux, vivez comme eux ? ».

Les Fans, en règle générale, n’ont donc pas bonne réputation. Ils sont assimilés à des hurluberlus sans cervelle, des paumés qui se raccrochent comme ils peuvent à un mode de vie irréaliste. Imaginez alors ce que les gens peuvent penser d’une association dont le but est de promouvoir une série américaine ! Les membres actifs de l’association doivent lutter indéfiniment contre l’ignorance et le dédain. Remettons les points sur les i.

Non, Friends n’est pas une série comme les autres. Non, ce n’est pas une sitcom de plus. Non, les Fans de Friends ne sont pas des attardés qui vivent leur vie par procuration en projetant sur les acteurs de cette série les fantasmes d’une vie de rêves. Pour parler avec des Fans de Friends, pour les rencontrer, allez n’importe où ! Dans toutes les régions de France et du monde, vous trouverez des gens qui apprécient la série et qui se disent eux-mêmes Fans. Le phénomène Friends est mondial !

Vous, Fans de Friends qui connaissez bien le Fan Club et ses activités, vous savez que notre seul but, celui qui est inscrit dans nos statuts d’association loi de 1901, c’est de « promouvoir la série en France et dans le monde ». C’est-à-dire vous permettre d’être au courant des dernières informations sur la série, où que vous soyez. Le Fan n’est pas un phénomène de foire. C’est une personne réfléchie, ayant un avis posé sur la série, y compris critique. Il n’y a qu’à suivre les débats qui ont lieu lors des réunions du Fan Club ou sur ses forums ou mailing listes.

La sitcom, un produit exotique ?

Qu’est ce qu’une sitcom ? Sitcom est un mot anglais, contraction de situation et de comedy. Donc, littéralement, une série basée sur le comique de situation. C’est-à-dire que ce sont les situations comiques qui font le scénario de la série. Qu’y a-t-il d’extraordinaire à cela ? Est-ce que cela doit servir de prétexte pour descendre en flammes cette série ? Tous les journalistes de télévision sont unanimes, même ceux de Télérama, en général les moins tendres, pour affirmer qu’elle est excellente. C’est une grande première en France !

Certes, Friends est une série télévisée, autant dire qu’elle ne reflète pas exactement la réalité de la vie. Les situations ne sont jamais dramatiques. Ou plutôt, lorsqu’elles le deviennent, un éclair comique vient vite faire oublier les répliques dures ou tristes. Mais son but premier n’est-il pas de nous divertir ? Que faisaient d’autre les grands auteurs, Molière, Labiche, Beaumarchais, Feydeau ou Goldoni ? À la différence des autres sitcoms françaises qui sont insipides, voire insultantes pour leur public, les nouvelles séries américaines n’hésitent pas à traiter des problèmes de fond, tout en gardant un aspect comique certain. C’est un bon concept : dénoncer ce qui ne va pas et parler des problèmes des gens tout en s’en moquant... La satire, vous connaissez ? C’est la meilleure façon de faire passer des messages.

Un exemple concret devrait convenir à la démonstration : Friends et le mariage lesbien. Cet épisode est allé très loin dans la provocation. Pour ceux qui connaissent mal les États-Unis, cet épisode allait à contre-courant de bien des valeurs puritaines qui y sont si envahissantes aujourd’hui. C’était tout à fait politiquement incorrect. Et bien avec Friends, le sujet a été traité et surtout, est passé comme une lettre à la poste dans l’opinion publique.

Friends, c’est  Hélène et les garçons dialogué et scénarisé par  Woody Allen, comme le notait le magazine de télévision cité plus haut, Télérama... qui ne passe pas pour être prodigue en compliments. Pour ceux d’entre vous qui connaissent l’œuvre de Woody Allen, vous aurez compris que ce jugement un peu caricatural vise davantage à complimenter qu’à se moquer. Friends aborde relativement souvent des thèmes durs, en les traitant de façon détachée, afin de mieux dénoncer des injustices. Dépêchons-nous d’en rire avant d’être obligés d’en pleurer, ça aussi, c’est un principe de base de la comédie.

Les rires en boîte

Une autre critique faite à Friends, ce sont les prétendus rires en boîte. Les personnes qui avancent cet argument se trompent lourdement : à la différence des séries françaises, basées elles aussi sur le principe du comique de situation, les séries américaines sont tournées en public et les rires sont authentiques. En France, les moyens financiers étant différents, les rires sont vraiment des rires en boîte, plaqués sur la série au montage. Cela, entre autres, leur confère ce ton qui sonne si faux.

Les méthodes de tournage en France diffèrent notablement de celles en vigueur aux États-Unis. Outre Atlantique, le rythme des enregistrements est d’un par semaine. L’enregistrement ayant lieu le vendredi soir, l’épisode est répété et réécrit plusieurs fois, jusqu’à la dernière minute afin d’être certain de la qualité des dialogues. En France, les épisodes sont tournés en une journée. Voire, pour les séries les plus bas de gamme, plusieurs par jour, sans aucun scénario écrit. C’est l’improvisation qui prime. Comment voulez-vous que les séries aient bonne réputation en France ? Sauf quelques-unes qui sont tournées en public, comme  H ou  Blague à part. Mais là encore, le passif est tel que la réputation à priori l’a emportée sur la qualité réelle de la série.

Le « phénomène Fan » n’est en fait que le reflet de la qualité d’une série. Sans méchanceté aucune, vous connaissez le Fan Club  d’Hélène et les garçons  ? Attention, nous ne critiquons pas cette défunte sitcom, nous posons simplement une question...

Par Frédéric Jalladeau
Extrait de 10 ans de Friends, page 317
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